L'interview | Manica Balasegaram
Comment présenteriez-vous votre organisation en quelques mots? En quoi consiste votre fonction? Quel est votre objectif? |
Le Partenariat mondial pour la recherche et le développement des antibiotiques (Global Antibiotic Research and Development Partnership – GARDP) est une organisation à but non lucratif basée à Genève et présente dans le monde entier. Le GARDP a été créé en réponse à la menace croissante de l'antibiorésistance, c’est-à-dire le fait que de nombreuses bactéries deviennent de plus en plus résistantes aux antibiotiques les plus courants. L'antibiorésistance entraîne 1,3 million de morts par an dans le monde, et pèse lourd sur les systèmes de santé de tous les pays. Notre action se focalise sur le développement de nouveaux antibiotiques à même de traiter de nombreuses maladies, qui vont des infections nosocomiales aux infections du sang chez les nouveau-nés, ou encore les maladies sexuellement transmissibles. Nous voulons également accélérer l’accès aux antibiotiques pour les malades qui en ont besoin, dans le monde entier. D’ici 2025, nous avons pour objectif de développer cinq nouveaux antibiotiques capables de lutter contre les infections pharmacorésistantes, qui représentent actuellement la plus grande menace pour la santé mondiale. Pour ce faire, nous collaborons avec des partenaires publics et privés.
J’ai participé au développement du GARDP depuis sa conception. À titre personnel, mon objectif de vie est de faire mon possible pour avoir un impact positif sur la société. Je suis persuadé que nous avons tous un rôle à jouer pour résoudre les divers problèmes auxquels notre société est confrontée. Pour ma part, c'est dans le domaine de la santé publique que je pense pouvoir amener ma pierre à l’édifice.
Parmi la concentration d'acteurs à Genève (OI, ONG, missions permanentes, universités et secteur privé), avec qui travaillez-vous et comment? |
Nous collaborons avec une grande diversité d'acteurs, notamment les États qui financent notre activité, des fondations et des ONG. Nous avons des partenariats avec des universités pour la recherche et les essais cliniques, et avec des entreprises innovantes pour le développement de nouvelles technologies. À Genève, nos partenaires clés sont l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’un des principaux fondateurs du GARDP, ainsi que l’initiative Médicaments contre les maladies négligées (Drugs for Neglected Diseases initiative – DNDi). En Suisse, nous collaborons entre autres avec la Fondation pour de nouveaux diagnostics innovants (FIND), les entreprises Sandoz (la division des médicaments génériques de Novartis) et BioVersys, et la Société européenne de microbiologie clinique et des maladies infectieuses (ESCMID). La diversité de ces partenaires illustre le niveau d’expertise et le soutien que peuvent contribuer des acteurs publics et privés suisses à la lutte contre la pandémie d'antibiorésistance.
Nous avons également des contacts réguliers avec les missions permanentes à Genève. Celles-ci jouent un rôle important pour sensibiliser les États quant à la valeur de notre action.
Nous travaillons de nombreuses manières avec tous ces acteurs, dans un esprit de collaboration et avec l'objectif partagé de développer des traitements salvateurs contre les infections pharmacorésistantes.
Quelles sont les forces et les faiblesses de Genève en ce qui concerne le développement de votre activité? |
Genève est un pôle unique au monde dans le domaine de la santé publique. Le monde dans lequel nous vivons est souvent difficile et nous avons besoin d'un lieu calme et sûr pour nous réunir, discuter, négocier et nous mettre d'accord sur les bases d’une action commune. Dans cette perspective, Genève a beaucoup à offrir.
Nous sommes fiers d’avoir choisi Genève pour notre siège. Nous sommes également très heureux que la République et le canton de Genève ait décidé de participer au financement d’un nouvel antibiotique pour le traitement de la gonorrhée, une maladie sexuellement transmissible qui est actuellement en pleine croissance, avec 87 millions de nouvelles infections par an à l'échelle mondiale. Nous sommes aussi très reconnaissants à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) qui nous soutient financièrement depuis notre création en 2016.
Nous aimerions que Genève s’engage encore plus dans le soutien à la lutte contre l’antibiorésistance, qui devient rapidement l’un des principaux enjeux de santé publique. A notre avis, c’est le parfait exemple d’un problème d'envergure mondiale que la Genève internationale et la Suisse pourraient prendre à bras le corps.
Nous encourageons également les fondations et institutions privées suisses à soutenir notre projet de développement d'antibiotiques avec le potentiel, à terme, de transformer et de sauver des vies.
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La santé est le domaine par excellence pour créer des ponts entre les pays. Même des États plutôt hostiles les uns envers les autres sont capables de collaborer lorsqu’il s’agit de santé publique. J’aimerais que l’on mette davantage l’accent sur la santé comme moyen de forger des relations solides et une meilleure coopération entre États. La santé pourrait devenir un vecteur précieux pour le renforcement de la gouvernance mondiale, la coopération internationale et la diplomatie au cours des prochaines décennies.
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Il aurait été intéressant de me demander comment je vois la relation entre la Confédération, en tant qu’État, et Genève, en tant que pôle de la santé mondiale. Quelle idée de la Genève internationale et la santé mondiale se font les Genevois ? Et les habitants des villes et des campagnes du reste du pays ? À mon avis, il faudrait trouver des moyens pour sensibiliser les Suisses par rapport à ce qui se fait à Genève en matière de santé mondiale. C’est une excellente opportunité pour créer des liens et apprendre les uns des autres.