L'interview | Marc Limon
Comment présenteriez-vous votre organisation en quelques mots ? En quoi consiste votre fonction? Quel est votre objectif? |
Universal Rights Group (URG) est un « think tank », un laboratoire d’idées, spécialisé dans les droits humains. C'est un des seuls - sinon le seul – groupement international exclusivement dédié aux droits humains. Notre action de think tank se démarque de celle d'ONG telles qu'Amnesty ou Human Rights Watch dans la mesure où nous collaborons avec tous les États représentés à Genève, ou presque, dans le but d’améliorer l'efficience, l'efficacité et l'accessibilité (notamment pour les petits États) du système international des droits de l'homme (le Conseil des droits de l'homme et ses mécanismes, les organes conventionnels), mais aussi de renforcer leur capacité à participer pleinement à ce système (souvent en collaboration avec les agences et programmes des Nations Unies) et à mettre en œuvre leurs obligations et engagements internationaux en matière de droits humains au niveau national. Un des objectifs prioritaires de l'URG est de « faire le lien entre l'international et le national » et « traduire les droits universels dans la réalité au niveau local ».
J'ai cofondé l'URG en 2013 (nous avons fêté nos dix ans en avril dernier) et je suis actuellement son directeur général. En plus de Genève, nous avons des bureaux à New York, Bogotá et Nairobi.
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Nos principaux interlocuteurs sont les États membres de l'ONU. En effet, ces derniers sont responsables de leurs engagements sous le droit international et leurs actions – ou inactions – ont un impact important sur le respect ou le non-respect des droits humains. L'URG collabore étroitement avec des pays développés tels que Danemark et la Norvège, mais une grande partie de notre temps et de nos ressources est consacrée aux pays en développement, en particulier les PMA, et les PEID. D'une part, nous cherchons à porter à l'attention des Nations Unies les questions qui préoccupent ces pays (par exemple, l’impact sur les droits de l'homme du changement climatique et des problèmes environnementaux) et de l'autre, nous les aidons à renforcer leurs capacités en matière de respect des droits humains.
Au cours des dernières années, nous avons renforcé notre collaboration avec les agences et des programmes des Nations Unies, notamment l'UNICEF, l'UNFPA et le PNUE, ainsi qu'avec les États donateurs, non seulement pour mesurer l'impact réel des mécanismes des droits humains des Nations Unies (les procédures spéciales, les organes conventionnels et l'EPU), mais aussi mieux utiliser l'aide au développement afin d'améliorer la situation des droits humains au niveau national. Le renforcement des droits humains est essentiel à la réalisation d'un principe central des ODD, « ne laisser personne de côté », ainsi que pour dynamiser la démocratie et trouver des solutions aux défis mondiaux que sont le changement climatique, la pollution et la perte de biodiversité.
Quelles sont les forces et les faiblesses de Genève en ce qui concerne le développement de votre activité? |
Genève est la capitale du système universel des droits de l'homme et, par conséquent, un centre névralgique pour l'URG. Nos activités sont concentrées à Genève, avec pour objectifs principaux l'amélioration de l'efficacité, de l'efficience et de l'accessibilité du Conseil des droits de l'homme et de ses mécanismes, ainsi que des organes conventionnels, et le soutien à une participation plus efficace des États (en particulier les pays en développement). Par ailleurs, l'URG est l'un des seuls acteurs de la société civile à se focaliser sur le lien entre l'international et le national : nous travaillons avec les gouvernements concernés, les agences des Nations Unies et les donateurs pour « traduire » les décisions prises par le système des droits humains des Nations Unies à Genève (en particulier les recommandations des mécanismes) en des lois, des politiques et des pratiques respectueuses des droits à l'échelle nationale.
Malgré le rôle important de Genève en tant que « capitale des droits humains », l’activité menée ici n'a de sens que si elle est en lien avec la réalité des personnes qui jouissent de ces droits à l'échelle nationale et locale, et si elle a un impact réel sur leur vie et leurs droits.
A quoi devrait ressembler la gouvernance mondiale dans 20 à 30 ans? |
Il est urgent de réformer la Charte des Nations Unies pour refléter le monde actuel plutôt que celui des années 1940. Il faudrait bien sûr inclure la réforme du Conseil de sécurité (modifier la composition des membres permanents et supprimer leur droit de veto) et donner plus d'importance aux questions environnementales. Mais aussi faire des droits humains un troisième pilier de l'ONU, en promouvant le Conseil des droits de l'homme au statut d'organe principal (au même titre que le Conseil de sécurité et l'ECOSOC) et en augmentant le financement de ce pilier au même niveau que la sécurité et le développement. Sans respect pour la promotion et la protection des droits de l'homme, la paix, la sécurité et le développement durable resteront hors de portée et, avec eux, l’objectif de « ne laisser personne de côté ».
Une réforme de la Charte est-elle probable ? J'en doute. Mais nous devons continuer à faire tout notre possible pour renforcer le pilier des droits de l'homme.
Quelle question auriez-vous aimé que l'on vous pose? Et qu'est-ce qui vous empêche de dormir la nuit ? |
J’aurais aimé une question sur les réalisations de l'URG. Je commencerais par rappeler que depuis plus de dix ans, l’URG a été la figure de proue du combat pour la reconnaissance par l'ONU d'un nouveau droit universel : le droit à un environnement propre, sain et durable. Reconnu par le Conseil des droits de l'homme en 2021 et par l'Assemblée générale en 2022, ce nouveau droit est un outil essentiel pour inciter et aider la communauté internationale à affronter la triple crise environnementale avant qu'il ne soit trop tard.