L'interview | Jean-Pierre Reymond
Comment présenteriez-vous votre organisation en quelques mots ? En quoi consiste votre fonction ? Quel est votre objectif ? |
2050Aujourd’hui est le Forum d’action climatique de Genève où les institutions de la Genève internationale, telles que missions permanentes, organisations internationales et entités académiques, privées et de la société civile, se réunissent pour lutter ensemble contre le dérèglement climatique en réduisant de manière mesurable leurs émissions de gaz à effet de serre (GES).
En tant que directeur exécutif, mon rôle est d’encourager et de rassembler toutes ces institutions pour agir concrètement dans la diminution de leur empreinte climat en coopération avec les instances de leur territoire de résidence.
Notre objectif est de promouvoir l’action climatique par la mise en œuvre de la Charte 2050Today de décarbonation. Nous contribuons ainsi à une réduction des émissions de GES de 60% d’ici 2030 en ligne avec les objectifs de la Ville et du canton de Genève et à l’atteinte de zéro émission nette d’ici 2050. Nous sommes convaincus que la Genève internationale, avec son influence et son rayonnement dans le monde entier, se doit de montrer l’exemple par une action résolue contre le dérèglement climatique comme le recommande instamment le GIEC.
Parmi la concentration d'acteurs à Genève (OI, ONG, missions permanentes, universités et secteur privé), avec qui travaillez-vous et comment ? |
Notre initiative est ouverte à toutes les entités de la Genève internationale, quel que soit leur taille ou domaine d’activité. Notre force est de rassembler pour aller plus loin et plus vite.
Nous travaillons désormais avec 70+ membres qui, conformément à la Charte 2050Today, s’engagent à mesurer leurs émissions et à mettre en œuvre des solutions communes ou personnalisées. Nous les assistons et les conseillons pour évaluer leur empreinte carbone et établir leur plan d’action climatique. Nous avançons au travers de groupes de travail thématiques (Alimentation, Biodiversité, Énergie, Gestion des déchets, Mobilité, Numérique responsable) auxquels participent aussi des représentants des instances locales. Nous insérons l’action de la Genève internationale dans les initiatives locales, et vice-versa, et partageons aussi bien les bonnes pratiques que les défis. Nous favorisons des projets collectifs, tels que le développement d’installations solaires, la création d’une communauté de covoitureurs, l’étude de l’impact climat des événements internationaux ou encore la mise en évidence de l’empreinte environnementale numérique des institutions.
2050Today agit en étroite collaboration avec la Confédération suisse, la République et Canton de Genève, la Ville de Genève, l’Université de Genève et les Services industriels de Genève (SIG). Il s’agit d’une initiative unique de ces institutions qui se sont jointes spécifiquement pour soutenir la décarbonation de la Genève internationale.
Quelles sont les forces et les faiblesses de Genève en ce qui concerne le développement de votre activité ? |
Genève est l’un des centres névralgiques de la coopération internationale. Elle abrite, outre le deuxième siège le plus important de l’ONU, plus de 40 organisations internationales, des représentations diplomatiques de 181 pays et environ 750 organisations non gouvernementales. Cela représente une force collective internationale unique, qui doit être utilisée pour disséminer les bonnes pratiques d’action climatique et de conscience environnementale.
Cependant, cette grande force de Genève n’est pas encore assez exploitée. Beaucoup d’institutions peuvent encore mettre en pratique une réduction des émissions de CO2 au sein de leur propre fonctionnement et davantage s’insérer dans les nombreuses et excellentes initiatives climatiques locales.
Contribuer à l’émergence d’un monde meilleur, comme le fait la Genève internationale, c’est avant tout réduire son impact climat, car la préservation de notre écosystème planétaire est l’unique garant d’un espace de vie sûr pour l’humanité et donc d’un monde meilleur.
À votre avis, à quoi devrait ressembler la gouvernance mondiale dans 20 ou 30 ans ? |
Avec les Nations Unies, nous disposons déjà d’un remarquable cadre de gouvernance. Il peut certes être amélioré, mais il pourrait surtout être bien mieux utilisé. Ce n’est donc pas un changement de cadre qui est nécessaire mais surtout un changement de paradigme.
Dans un monde globalisé avec une humanité dopée aux énergies fossiles au point d’en déstabiliser la planète, la somme des intérêts nationaux ne peut plus être notre boussole. Les répercussions de nos actions étant désormais planétaires, nous devons nous organiser de manière globale avec l’intérêt commun pour le bien de toutes et tous au centre de notre gouvernance.
Au vu de l'état du monde et de la planète, ce changement de paradigme ne peut malheureusement pas attendre 20 ou 30 ans !
Quelle question auriez-vous aimé qu'on vous pose ? Et qu'est-ce qui vous empêche de dormir la nuit ? |
J’aurais aimé que vous me demandiez pourquoi les gouvernements restent encore incapables de prendre des mesures fortes – comme la tarification carbone universelle - pour lutter contre le dérèglement climatique qui menace la vie humaine telle que nous la connaissons actuellement.
Le dépassement de six des neuf limites planétaires, notamment le climat, la biodiversité, la pollution par de nouveaux produits non naturels ou la dégradation des sols, doit toutes et tous nous motiver chaque jour à faire évoluer notre fonctionnement individuel et global. Il s’agit d’un impératif physique de changement pour revenir à un équilibre assurant le maintien de conditions de vie sûre pour notre espèce. La société humaine n’a jamais assuré le bien-être d’autant d’individus et en même temps nous n’avons jamais autant menacé l’équilibre même de notre écosystème - et donc notre prospérité commune - par nos propres interventions.
L’urgence de cette dégradation doit nous tenir en éveil chaque jour, tout en dormant bien la nuit, pour agir sans relâche et ensemble, surmonter ce défi de manière solidaire.