L'interview | Joëlle Germanier
Comment présenteriez-vous votre organisation en quelques mots ? En quoi consiste votre fonction? Quel est votre objectif? |
Le Centre de compétence en négociation humanitaire (CCHN) est un projet jeune mais ambitieux. Il a été fondé en 2016 à l’initiative de cinq grandes organisations humanitaires : le Centre pour le dialogue humanitaire, le Comité international de la Croix-Rouge, Médecins sans frontières Suisse, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et le Programme alimentaire mondial des Nations unies.
Aujourd'hui, nous œuvrons à la collecte, l’analyse et le partage des expériences et des pratiques des négociateurs humanitaires en vue d’établir une approche plus systématique de la négociation sur le terrain. Dans ce but, nous proposons aux négociateurs travaillant pour diverses organisations humanitaires un espace de dialogue et d'échange. Nous contribuons également à la recherche scientifique sur les méthodes, outils et stratégies de négociation et nous promouvons la collaboration au sein du secteur humanitaire.
Au cœur de nos activités se trouve la Communauté de pratique du CCHN, un réseau mondial de praticiens présents sur le terrain.
Le siège du CCHN à Genève et est actuellement hébergé par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Nous sommes soutenus entre autres par le Département fédéral suisse des affaires étrangères (DFAE).
En tant que directrice du CCHN, un de mes principaux objectifs est de mettre à disposition de nos collègues un espace sûr où ils peuvent échanger et de partager leurs expériences avec des pairs qui, comme eux, sont confrontés à des situations extrêmes au quotidien. Cette communauté mondiale de négociateurs humanitaires a été mise sur pied dans le but d'améliorer les pratiques de négociation et de soutenir le développement de la négociation humanitaire en tant que domaine d’expertise à part entière.
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Le CCHN travaille principalement avec des collaborateurs des grandes organisations humanitaires, notamment nos cinq organisations fondatrices. Nous collaborons également avec des organisations non gouvernementales locales ou internationales. Plus de 400 organisations sont représentées au sein de notre communauté et 85 % de nos membres sont actifs en première ligne.
Nous collaborons également avec de nombreux autres acteurs, notamment des médiateurs politiques, qui interviennent entre les parties en conflit, des représentant des États, qui peuvent influencer les négociations humanitaires politiquement, et des chercheurs, qui publient des articles ou des livres sur la négociation humanitaire.
Quelles sont les forces et les faiblesses de Genève en ce qui concerne le développement de votre activité? |
L'objectif premier de notre engagement auprès des négociateurs et de promouvoir un changement de mentalité dans le secteur humanitaire par rapport à la collaboration. Nous voulons favoriser l’émergence d’une attitude plus favorable à l’apprentissage et l’échange de connaissances dans le secteur, plus particulièrement dans la négociation humanitaire.
Notre engagement auprès des professionnels sur le terrain nous permet d'influencer ce changement « par le bas ». Grâce à notre siège à Genève, nous sommes aussi en mesure de l'influencer « par le haut ». Par ailleurs, notre présence é Genève nous permet d'entretenir l'identité « multi-agences » qui fait la particularité du Centre. Cette proximité avec de nombreuses organisations humanitaires de premier plan est pour moi l'un des principaux atouts de Genève.
Pendant la pandémie de Covid-19, nos activités ont basculé en ligne. Cela nous a permis de toucher des négociateurs de terrain qui n'auraient pas pu participer à nos formations autrement. Cela a ouvert de nouvelles possibilités, avec des limites, car le présentiel a plus d’impact. Notre mission principale est de construire une communauté mondiale de négociateurs, mais il est plus difficile de créer un sentiment d’appartenance à travers l'écran. Nous devons donc fournir un effort particulier pour entretenir et alimenter ce réseau en nous rendant la où travaillent nos collègues. Vous imaginez sans peine qu'avec un seul bureau à Genève, nous passons beaucoup de temps à voyager
A quoi devrait ressembler la gouvernance mondiale dans 20 à 30 ans? |
Dans mon monde idéal, dans 20 ou 30 ans, les organisations humanitaires auront renforcé leur collaboration face au défi des crises humanitaires à venir.
Aujourd’hui, le monde – et plus particulièrement les populations les plus vulnérables – souffre d’une fragilisation et d’une fragmentation croissantes en raison de la pandémie de Covid-19, de phénomènes climatiques extrêmes, de conflits prolongés et de l’augmentation des flux migratoires.
Dans ce contexte d'intensification des tensions géopolitiques, sociales et économiques, les humanitaires doivent trouver le moyen d’instaurer un climat de confiance avec leurs homologues et d’assurer une assistance humanitaire. On attend d'eux non seulement qu'ils négocient la réponse à ces crises, mais aussi qu'ils préviennent et réduisent les risques de politisation, alors que l'usage croissant de la mésinformation et de la désinformation constitue une réelle menace pour l’action humanitaire.
C'est pourquoi, cette année encore, le CCHN organise un Sommet mondial sur la négociation humanitaire afin de mener une réflexion sur les pratiques de négociation et les moyens de faire face aux crises à venir. Du 1er au 3 novembre 2022, elle réunira des penseurs, des décideurs politiques, des représentants étatiques, des chercheurs et des professionnels de nombreuses organisations internationales et ONG. Nous invitons toutes les personnes intéressées à nous rejoindre en personne ou en ligne !
Quelle question auriez-vous aimé que l'on vous pose? |
« Qu'est-ce qui vous inspire le plus dans ce poste ? »
Ce que j'aime particulièrement dans l'équipe du CCHN c'est que nous sommes en mesure de soutenir concrètement nos collègues sur le terrain en leur proposant un espace où ils peuvent partager leur expertise de la négociation. Nous leur offrons non seulement la possibilité de développer de nouvelles compétences, mais la reconnaissance et la valorisation de leur expérience. J'aurais aimé avoir accès à ce genre de soutien lorsque j'étais moi-même sur le terrain.